Historique Gnome & Rhône branche motocyclettes

Je pourrais vous parler des heures de telle ou telle pièce montée ou non sur le modèle X, Y ou Z mais pour aborder l’histoire de telle ou telle moto, il est indispensable de parler de la marque elle-même, des femmes, des hommes, de la vie de l’entreprise, des échecs, des réussites, des joies des peines qui entourent cet engin.

 - Les origines

L’histoire des motos Gnome & Rhône comme beaucoup de marques est souvent l’aboutissement de choix industriels fait par des patrons ou des bureaux d’étude qui cherchent une voie rentable adaptée à leurs outils, leur créneau de compétence et un zeste de passion. L’histoire retient le nom de l’industriel à l’origine de cette épopée mais cet industriel tout seul, n’est rien. Chacun du patron au rectifieur joue un rôle prépondérant dont le fruit en ce qui nous concerne, est une gamme de motos de toutes cylindrées et de l’adoption d’une multitude de technologies qui jalonne une partie du 20éme siècle de 1919 à 1962.

L’histoire de Gnome & Rhône prend ses racines à la fin du 18éme dans les milieux industriels de la région Rhône Alpes Auvergne berceau de la plupart des grandes inventions mécaniques du siècle dernier.

 - La branche Gnome

Les Seguin d’Annonay sont les géniteurs de la branche Gnome dans cette épopée. Cousin des Mongolfiers dont le nom reste gravé dans le monde aéronautique et des Canson de l’industrie papetière, Marc Seguin (1786-1875) est à l’origine d’inventions spectaculaires, les ailes battantes, la chaudière tubulaire, les ponts suspendus etc.
Le fils de Marc Seguin est lui aussi dans le monde de l’industrie, Auguste est administrateur des chantiers « La Buire » à Lyon spécialisé en matériel ferroviaire et automobile.
Auguste est le père de Louis né en 1869 à St Pierre la Pallud prés de Lyon. Louis issu des arts et manufacture, commence à construire des moteurs industriels à essence dés 1895. Louis Seguin s’associe puis reprends à son compte les établissements Thévenin frères spécialisés dans la fabrication (fonderie) et fourniture de matériel, mécaniques, tuyauterie, robinets etc.
L’une des usines est située en région parisienne au bord de la Seine quai du Petit Gennevilliers à Gennevilliers, elle couvre 300m² et emploie 40 personnes.
La demande en motorisation, vas croissante, il est temps de séparer les activités de la société, et de créer une nouvelle entreprise entièrement tournée vers la motorisation. Louis fonde le 6 juin1905 la Société des moteurs Gnome et construit sous licence le moteur GNOM de la firme allemande Oberursel Motoren. Le nom de Gnome prend ses racines en adaptant le nom du moteur Gnom.
 


Moteur GNOM de la firme allemande Oberursel Motoren



Laurent Seguin frère de Louis rejoint la société en 1905 l’usine tourne « plein pots » la fabrication est destinée à la navigation, à l’automobile, à l’industrie, à l’agriculture.

 


Louis et Laurent SEGUIN
 


Très vite les frères Seguin s’intéressent au projet d’un moteur destiné à l’aviation, les origines familiales les invitent à prendre l’air.
L’idée d’un moteur rotatif est inspirée par une grande volonté de réduction de poids.
Le moteur Gnome « Rototo » acquiers une grande renommée, l’armée adopte cette motorisation pour cette nouvelle arme indispensable que devient l’aviation, de 3 moteurs en 1908, l’usine en construit 1400 en 1913 c’est dire l’essor réalisé.


 - La branche Le Rhône

La concurrence n’en reste pas là, un ingénieur de génie Louis Verdet construit un moteur en étoile capable de rivaliser et de dépasser le Rototo de Gnome. Verdet n’est malheureusement pas un industriel aux larges épaules, le génie ne suffis pas dans le monde des affaires. Verdet n’a ni les finances ni la renommée, ni les appuis politiques de Seguins, il tente bien des associations pour construire son moteur et fonde la société le Rhône du nom du fleuve de son enfance à Saulces sur Rhône dans la drome.
 


Louis VERDET



La société Le Rhône ne résiste pas face au géant de Gennevilliers et les intérêts en jeux sont importants pour les deux entreprises le 17 juin 1914 débute un processus de rapprochement qui dure plusieurs mois pour aboutir à la fondation de la Société des moteurs Gnome & Rhône par union de Gnome et Le Rhône.

1914-1918, la grande guerre, la majeure partie des avions est équipée des moteurs Gnome & Rhône, les usines tournent à plein rendement pour fournir le matériel nécessaire à nos escadrilles.



 - L’après guerre Gnome & Rhône

1918 l’Armistice est signé, c’est une joie pour tous mais c’est aussi le tarissement des marchés de guerre. Les industries comme Gnome & Rhône dont la quasi-totalité de son activité est tournée vers les marchés militaires se retrouvent avec des carnets de commande vide à cause de l’effondrement des programmes aéronautiques et une trésorerie que l’état tarde à régulariser. Pour ajouter un peu de piments aux problèmes qui secouent l’entreprise, la grippe espagnole (pandémie de la grippe aviaire) fait des ravages, il y a plus de mort à cause de cette épidémie que sur le front ces dernières années, Louis Seguin et Louis Verdet font parti de cette longue liste, la tête de la société est décapitée.
Il faut réagir vite pour sauver ce potentiel, l’usine est gérée en intérim par les investisseurs, Louis Juvey, succède à Louis Seguin à la présidence du conseil.
Les outils sont là, les ingénieurs, les ouvriers, les usines tout est opérationnel mais que faire de tout cela ? Les finances manquent toutes les constructions de 14/18 ne sont pas encore entièrement payées, de plus le gouvernement réclame un impôt de guerre; il faut attenter un procès à l’état pour régler ce litige.
Il reste bien quelques moteurs d’avions à fabriquer mais trop peu pour occuper tous les salariés. La situation de la société des moteurs Gnome & Rhône est catastrophique. Il faut réagir vite, pas le temps de développer des produits de A à Z les bureaux d’étude n’ont pas assez de capacité pour faire face. Il reste la solution de construire des produits sous licence ou de racheter des produits bien ficelés pour lancer les chaînes rapidement donc s’endetter un peu plus.
Des contacts sont pris tout azimut, dans la construction automobile (Picard & Pictet, Rolland-Pillain, Mathis), les tracteurs agricoles (Auror), des machines à coudre, des pompes, des groupes frigorifiques, des treuils, des métiers à tisser, des machines outil ou la moto (ABC).
Malheureusement, la production est ralentie, les matières premières manquent, les coupures de courant sont trop fréquentes, la baisse du franc et la hausse des coûts de main d’œuvre sont autant d’atouts préjudiciables à la reprise, pour couronner le tout, l’usine est touchée par d’importantes inondations, il faut vendre à perte pour « passer le cap »
Les dettes pour l’exercice 1921, s’élèvent à prêt de 30 millions de franc et la SMGR doit être mise en liquidation, certains administrateurs sont écartés, les autres démissionnent, il ne reste que les banquiers Henry Baeuer et Charles Marchal pour sauver la société.
Il faut attendre l’arrivée de Paul Louis Weiller (as de l’aviation durant la guerre de 14/18 et officier de la légion d’honneur) en 1922 pour remettre un peu d’ordre dans cette débâcle qui faillit coûter la vie à cette marque. Il est le fils de Lazare Weiller, industriel renommé, député puis sénateur, Lazare Weiller a aussi fait parler de lui dans les milieux aéronautiques après l’achat des licences Wright.

Paul Louis Weiller recentre la production sur les motocyclettes et les moteurs d’avion, les autres productions sont stoppées.
Au début il est question de construire sous licence mais l’appétit de Gnome & Rhône est très grand, les tractations boursières vont bon train, pas de pitié dans ce monde là. Grâce à cela, Gnome & Rhône sort la tête de l’eau et remonte la pente à petits pas.

Les premières ABC sortent des usines à la fin de l’année 1919 pour être présentée au service des mines mais elle ne sera disponible à la clientèle qu’au mois de mars 1920.

 

 


L’arrivée de la moto



L’épopée moto chez Gnome & Rhône débute avec l’ABC. L’ABC est une révolution, cette moto construite d’abord sous licence est très vite « francisée » par les bureaux d’étude. Tout est revu au pas métrique afin d’adapter la production aux machines outil des usines.





Henri NASS sur ABC 400 version 1920, frein et échappement différents des modèles série, manque le carter secondaire
 


Cette machine bénéficie de nombreuses améliorations durant sa courte carrière, une version 500cc sera développée pour une utilisation side-car. Comme vu plus haut, la licence ABC est rachetée en 1920.
Gnome & Rhône s’impose très rapidement dans le monde du deux-roues grâce à cette machine hors normes les pilotes de la marque glanent les premiers lauriers.

Les victoires de Gnome & Rhône en compétition se font vite connaître et mettent au grand jour des pilotes de talent qui collent à la peau de cette société :
Gustave Bernard et Henri Nass réalisent ensemble des exploits retentissants dont on parle encore de nos jours.
D’autres pilotes marquent aussi l’histoire de cette marque de moto :
Lezin, Maillard-Brune, Marc, Bourguin, Amort, Berthe, Varrot, Heuqueville, Descoureaux, Baptiste, Gomez, et bien d’autres encore.
Les bureaux d’étude, pour des soucis de rentabilité et de plein emploi s’orientent vers des produits entièrement maison. La Gnome & Rhône type B sort petit à petit des planches à dessin, l’ingénieur Henri Bartlett a été sollicité pour ce premier produit, l’inspiration britannique ne fait aucun doute. La type B suite logique à la type A réservée pour l’ABC, est bien plus sobre que son aînée.

La type B laisse la place à la type C machine identique qui change de dénomination seulement pour des contraintes administratives liées au cota de construction. La 4HP (B ou C) évolue au cours de sa carrière, et reste disponible sur demande jusqu en 1928, dans sa dernière version.
Au tour de France 1923, Bernard et Nass prennent le départ avec des types B, Bernard enlève la médaille d’or, nouvelle victoire au circuit d’endurance de l’UMF Gnome & Rhône est déclaré champion de France 1923.
En parallèle de la type C une version chaîne chaîne voit le jour fin 1923, disponible à la clientèle début 1924, c’est la type D. La guerre chaîne courroie est à son apogée, commercialement il faut satisfaire la clientèle même si pour Gnome & Rhône il est plus simple et rentable d’harmoniser la gamme et de monter des chaînes partout.

 


Philippe MAILLARD-BRUNE à l’âge de 17ans ½ sur type D
 


La Gnome & Rhône type D reste la machine phare de la traversée des années 20 chez Gnome, ce modèle de conception remarquable pour l’époque, jouit d’une grande fiabilité, c’est une machine très appréciée par la clientèle. Cette machine évolue en fonction de l’époque, des exigences du marché et des évolutions techniques. La rigidité du cadre bien que suffisante pour son époque, ne supporte pas une puissance supérieure ni un freinage plus efficace, il est temps de remplacer ce cadre par un modèle plus adapté, avec réservoir en selle et arrière à trois tirants, cette évolution prends le nom de D3. La D3 reste vraiment dans la lignée de la D, outre le cadre dont nous venons de parler, au niveau moteur, la grande transformation concerne la magnéto qui prend place dorénavant à l’arrière du cylindre bien au chaud et à l’abri des intempéries. Rassurez vous je ne suis pas passé de D à D3 en oubliant la magnifique D2, son destin est très lié au passage de D à D3.
La D2 est enfin une moto capable de rivaliser sur le plan sportif avec les machines d’outre manche, de Belgique ou d’Allemagne qui tente de s’incruster sur le sol français. J’emploi le terme « enfin » car il y a longtemps que l’on attendait une telle machine. Les usines Gnome et Rhône ont tardé à venir au moteur culbuté pourtant très employé pour l’aviation et déjà utilisé en moto avec l’ABC, c’est la pression des agents et des pilotes maison qui poussent le bureau d’étude. Gustave Bernard ira même jusqu'à construire un prototype de culbutée pour « pousser » les ingénieurs à développer un tel produit.
La D2 reste mythique, les performances et la fiabilité sont au rendez-vous, chaque fois que l’une d’entre elles est inscrite pour une épreuve, elle fera parler d’elle sur les podiums, Gustave Bernard se lance même dans l’ascension du Pic du midi avec une machine de série. Le seul défaut de la D2 est localisé sur la rigidité du cadre, ce cadre dérivé du D est en partie démontable pour permettre la dépose de la culasse. Cette conception de cadre comme nous l’avons vu plus haut, supporte mal un accroissement de puissance. La D2 sera produite 18 mois seulement en trois versions suivant la disponibilité des pièces, on estime à 180 le nombre de machines produites et très peu ont survécu.

 


Philippe MAILLARD-BRUNE sur type D2 version racing



La remplaçante de la D2 fait aujourd’hui rêver tous les collectionneurs. La D4 est le fruit de toute cette mise au point, l’usine Gnome & Rhône adopte les pratiques « aviation » et met à profit tout le retour d’expérience qu’elle engrange. Pour son époque la D4 est l’une des machines de série, les plus performantes et les plus fiables, elle tient très bien la route et est capable de prouesses sur longues distances. Bernard et Nass portent haut les couleurs de la marque lors d’épreuves rudes tant pour la monture que pour le pilote.


Ne pensez pas en lisant cela que Gnome & Rhône n’a construit que des 500CC.
Afin de couvrir une gamme des plus complètes possibles, de fidéliser et satisfaire la clientèle Gnome & Rhône élargi sa gamme dés 1924 avec l’arrivée de la 250 type E, ce premier deux temps de l’usine est suivi de prêt par la 175 type H. Les innovations techniques sont là aussi ce qui prouve une fois de plus la puissance d’une entreprise constituée d’un bureau d’étude et de machines outil capables d’usiner sans sous-traiter donc de pofinner le produit.
Les usinages, les fonderies, l’ensemble des motos Gnome & Rhône répond à la qualité aviation ce qui est un très bon argument publicitaire.
La type E version complète est livrée avec volant magnétique, éclairage électrique et graissage séparé. La H munie d’un bloc moteur est équipée d’une magnéto et l’éclairage est laissé à la discrétion du client, le graissage séparé est en option, la version H est rapidement remplacée par la H2 sensiblement identique à l’exception prêt de la démultiplication du kick. La type E est remplacée par une nouvelle moto ou tout est repensé, la type E2, nouveau cadre, roues, moteur, partie cycle, boite de vitesses abandon de la courroie au profit de la chaîne, etc.
Le coureur Lezin accompagné de Bourguin marquerons quelques pages d’histoire lors de certaines épreuves au guidon des 175 Gnome & Rhône.

Toujours afin d’étoffer la gamme, la société se lance dans la conception de motos quatre temps à bloc moteur, c’est la série des E3, M1, CM1, M2, CM2 de 1929 à 1933. Cette série de machines de conception initiale identique, débute en 1929 avec la E3 de 250 cm3. La M1 de 306 cm3 arrive très vite pour compenser le manque de puissance de la E3. Ce concept de moto à cadre en tube double berceau, ce caractérise par l’adoption d’un bloc moteur afin d’en finir avec des machines à boite séparées qui nécessitent souvent des réglages de chaîne primaire et secondaire et dont la graisse ne manque pas de vous sauter sur le pantalon. La moto propre gagne du terrain La M1 évolue, la maison Gnome & Rhône adapte un moteur culbuté de 350 cm3 dans la même partie cycle pour une conduite plus sportive. Enfin pour adapter le surcroit de puissance Gnome & Rhône repense complètement la partie cycle et améliore les versions latérales et culbuté pour créer les types M2 et CM2. La CM2 est toujours une très belle moto culbutée des années 30, performante relativement rare et convoitée des amateurs de motos bien conçues.

 


Gnome & Rhône CM2

 


Début 30, le marché moto est porteur, l’usine fait des bénéfices, le secteur aviation est aussi au beau fixe, les bureaux d’étude planchent sur de nouveaux produits alliants la qualité sans exploser des coûts de construction afin de sortir un produit commercialisable.
L’étude du cadre en tôle emboutie est explorée, cette technologie quand elle est mise au point et que l’on possède les presses est moins coûteuse que le cadre en tube, le produit de base est moins cher (tôle) la mise en œuvre plus rapide (emboutissage) fini le brasage, on passe à la soudure électrique par points, fini le réalignement fastidieux des cadres tubes, tout est précis car assemblé sur gabarit et comble du tout, ce type de cadre est bien plus rigide et beaucoup plus léger, bref, que du bonus !
Gnome & Rhône au cours des années 30 se dirige vers le tout cadre en tôle, les modèles cadre tube sont petit à petit remplacés avec le renouvellement des modèles.
Dés sa commercialisation en 1931, la 500 V2 est accueillie à bras ouverts. Cette belle 500 à soupapes latérales est équipée d’un moteur 2 cylindres opposés à plat (flat-twin), cadre en tôle emboutie, transmission par cardan. La V2 joui très vite d’un grand succès, elle est adoptée par les amateurs aimant les motos puissantes et robustes.

L’arrivée de la CV2 en 1932 ouvre une nouvelle aire de motos, cette évolution de la V2 vers une version culbutée de 20 ch qui gagne en vitesse de pointe et en reprises. La CV2 atteint 130 Km/h. Nass et Bernard s’en donnent à cœur-joie avec de telles machines en 193. Ils réalisent un tour de France de 4025 Km en 3 jours 22 heures et 10 minutes arrêts compris.
Il y a eu de nombreux exploits remarquables avec cette machine et les pilotes exceptionnels de la maison Gnome & Rhône.
Le lyonnais René Amort s’attaque au record du monde de l’heure avec un side-car bernardet mû par une CV2, le 20 octobre 1934 il bat ce fameux record à la moyenne de 147,854Km/h.

Outre les machines de haut de gamme, l'usine du boulevard Kellermann propose en 1934 une petite cylindrée de 250cm3 la " Junior ", ce monocylindrique 4 temps, soupapes latérales est habillée comme les grandes d’un cadre en tôle emboutie. Suivrons les modèles Major en 350 latérale, super-Major 350 culbuté, les 500 latérales D5 et D5A arrivent en versions civile ou militaire.

 

Gnome & Rhône D5 civile
 


L’usine Gnome et Rhône fait de gros bénéfices au cour des années 30, la crise est passée, la demande est forte, il faut agrandir les usines de Gennevilliers et Kellermann, une nouvelle usine est construite à Arnage près du Mans. Les salaires chez Gnome & Rhône sont parmi les meilleurs, Paul Louis Weiller est un précurseur des œuvres sociales pour ses salariés.

En 1936 l’aire des nationalisations « bat son plein », Gnome & Rhône échappe à ce rouleau compresseur, seules 100 actions de principe sont prises par l’état. En 1937, Paul-Louis Weiller achète la Société des Aéroplanes-Voisin, Gabriel Voisin reste à la tête de cette filiale.

1937 toujours, c’est la sortie du fleuron de la marque, la 750 type X est plus particulièrement destinée au side-car. Cette brillante moto, plus rapide et plus puissante que la CV2, grâce à l’accroissement de cylindrée, est construite sur le même schéma, mais est alimentée par un carburateur par cylindre.


 


750 type X Roger Varrot



Suite à une série de records d’endurance entrepris depuis 1937, du 19 juin au 8 juillet 1939, douze officiers se relayent jour et nuit sur l’autodrome de Montlhéry au guidon d’une Gnome-Rhône 750 X de la société Yacco. Cette équipe bat le record du monde des. 50 000 km à la moyenne de 109,380 km/h. Ce record est toujours détenu par Gnome & Rhône au jour où j’écris ces lignes.


 - Les marchés et les motos militaires D5A, XA, AX2


Au début, seuls quelques cas particuliers, initiatives personnelles ou réquisitions, ont fait entrer des motos sous les drapeaux avant la Grande Guerre. Son utilité s'est fait ressentir au cours du conflit 14/18, et dès les hostilités terminées, les constructeurs se sont intéressés au marché potentiel que représente alors l'armée française.
Gnome & Rhône ne tarde pas à se mettre sur les rangs des fournisseurs en s'appuyant sur ses performances au titre de l'aviation qui est un excellent gage de qualité. Mais la lutte est dure, René Gillet est déjà bien implanté.
L'armée décide de commander des Gnome & Rhône Les premières commandes militaires arriveront début 1928. Début 30 cent motos Gnome & Rhône type M2 sont incorporées, en 1933 une importante commande de 500 CV2 avec side-car Bernardet, et une commande de 350 cm3 type Major en solo.

Gnome & Rhône ne tarde pas à prendre en compte toutes les doléances des autorités militaires pour sortir courant 1935 le prototype d’une machine entièrement conçue pour l'armée. La D5A est une création de toute pièce bien avant sa version civile la D5. Bloc moteur 500 latéral monocylindre boite 4, cette moto d’une garde au sol importante et à l’échappement relevé est conçue pour le tout terrain.
Une autre moto voit le jour, la XA, 750cm3 dérivé de la version civile la X, mais dont beaucoup de pièces ont été entièrement repensées. Le moteur est de type culbuté a soupapes parallèles, simple carburateur qui alimente par une « araignée » les cylindres
La XA peut également être attelée. Le side-car est alors un Bernardet bien sûr les roues à moyeu conique sont interchangeables avec la moto. Ainsi adaptée au dur service qui lui est demandé, ce véhicule de transport rapide emmène à 90 km/h son équipage, et 25 litres d'essence peuvent être emportés.

 




Au concours de l'estafette 1937, disputé à Fontainebleau le 14 mars, Bourguin présente une nouveauté digne du renom de la maison Gnome & Rhône, C'est le side-car 750 XA Bernardet à roue motrice qui, en terrain varié, fait véritablement preuve d'une aisance incomparable.
Il s'agit d'une réalisation demandée par l'armée qui accommode maintenant le side-car à toutes les sauces. La façon dont Gnome & Rhône répond mécaniquement à cette exigence nouvelle mérite une mention spéciale. La roue du side-car (lequel est attelé obligatoirement du côté transmission, c'est-à-dire à droite), est accouplée à la roue arrière par un arbre à cardans, un entraînement par crabots permettant à volonté la mise en service ou le débrayage total.
Moins de 15 machines de ce type sont construites. Il s'agit d'un banc d'essai grandeur nature pour l'AX2, qui pointe son nez et qui remplacera définitivement le modèle XA à l'aube de la 2ème guerre mondiale.




Gnome & Rhône AX2



L’une des premières caractéristiques de l’AX2, c’est le retour aux soupapes latérales, moins délicates pour un usage militaire intensif.
La cylindrée de 800cm3 permet d’obtenir beaucoup de puissance à bas régime, la boite 4 est étagée afin d’avoir une première très courte pour l’usage avec side-car a roue motrice, principale destinée de cette moto.
Plusieurs types de caisses ont été montés durant la carrière de ce fabuleux side-car militaire. Une version avec marche arrière était spécialement conçue pour les side-cars très lourds. L’AX2 était toujours employée en Algérie et en Indochine.



La gendarmerie s’équipe aussi chez Gnome & Rhône, début 35, création de la brigade motocycliste de Seine-&-Oise : elle est équipée de deux Gnome & Rhône CV2 avec side-car et de dix-neuf Gnome & Rhône 350 CM2. Il s'agit au début d'une expérience de six mois soutenue par un budget conséquent, dans le but de créer une police spécialisée, animée d'un esprit unique. Certains départements s'équipent avec des René Gillet, d'autres en Terrot, mais Gnome & Rhône n'est pas en reste comme à Nice où des CV2 furent choisies au moment du renouvellement des machines. Gnome & Rhône fournira pour la gendarmerie au cours des années les modèles CM2, XA, X, CV2, Major, Super Major, D5, et même la fameuse X40.

La X40 (super X) est une nouvelle version de la 750 X qui adopte toutes les avancées technologiques de l’AX2.
Cette X40 construite à moins de 100 exemplaires était un assemblage de X et d’AX2 où toutes les bonnes avancées technologiques étaient concentrées. La partie cycle AX2 est en partie reprise car la fourche à anneaux Neiman est plus performante qu’un simple ressort. Les freins Bendix à rattrapage de jeu sont à la hauteur des performances affichées de la X40. Le bas moteur est celui de l’AX2, l’embiellage est monté sur deux roulements contrairement au X, le haut moteur est culbuté, les pièces du X version culasse aluminium est employé. Cette moto est capable d’un bon 140 Km/h et apte à rouler à vitesse soutenue sur de longues distances. Cette machine était principalement destinée à l’escorte présidentielle mais aurait pus être la moto de Mr tout le monde si l’Europe était restée en paix.

 




Escorte présidentielle Gnome & Rhône X40




 - La traversée de la guerre chez Gnome & Rhône

1939 c’est aussi les bruits de bottes, la France entre en guerre, il faut fabriquer en grande cadence les moteurs d’avion, les motos et side-cars. Durant l’occupation de 41 à 44 la direction reçoit des instructions secrètes pour rester et préserver l’outil de production. Les actes contre l’occupant se multiplient à tous les niveaux de l’entreprise, tout le monde traîne des pieds, tout prétexte est bon pour perdre du temps, les actes de sabotage ne sont pas rares, la direction s’arrange pour que chaque ouvrier mange à sa faim. Des actes de résistance sont courants, fourniture de pièces pour les moteurs d’avion, motos, renseignements etc destinés aux combattants de la France libre.

En mai 44 l’usine de Gennevilliers est bombardée par les Anglais, elle est quasiment détruite, on déplore la mort de 36 personnes.

A la libération, Jean Lepicard prend les reines de l’usine, Paul Louis Weiller ne reviendra jamais chez Gnome & Rhône. Il est maintenant temps de relancer l’activité il faut d’abord nettoyer, reconstruire et rééquiper les usines. L’activité principale se concentre sur la réparation de matériels américains, motos, moteurs de chars Scherman, moteurs de GMC etc


 - De nouveau l’après guerre.

Il faut une fois de plus mettre cette fabuleuse entreprise sur les rails, les moteurs d’avion ne se vendent plus (bis-répétita) j’ai l’impression de réécrire ce que j’ai dit au lendemain de 14/18 mais la situation est quasiment la même et de plus l’usine est mal en point. Il faut imaginer quelques fabrications autres.
La reconversion est rapide : des tracteurs agricoles sous la marque S.I.F.T. (Société Industrielle de Force et de Traction), des écrémeuses, bicyclettes, ustensiles de cuisine, moteurs industriels, viennent compléter la fabrication des motos qui se poursuit, alors que côté aviation le retard technique se fait ressentir. La société est restée à l'écart des études entreprises par les Etats Unis, la Grande Bretagne et l'Allemagne sur la propulsion par réaction.



 - La nationalisation création de la SNECMA

Après la libération en 1945, Gnome & Rhône fait l'objet d'une nationalisation. Les actionnaires, parmi lesquels une partie du personnel sont indemnisés.
A cause de sa participation à l'effort de guerre allemand, Gnome & Rhône est fortement attaquée et comme RENAULT, fait l'objet d'une nationalisation sanction.
A la suite d'une décision de l'Assemblée générale extraordinaire tenue le 28 août 1945, Gnome & Rhône change de raison sociale et devient la Société Nationale d'Etudes et de Construction de Moteurs d'Aviation (S.N.E.C.M.A.), Son PDG est Marcel WEILL La Direction de la division Motocyclettes est confiée à Gaston DURAND
Les efforts de l'usine destinés à l'aviation pour rattraper le retard sur les réacteurs, entraîne des difficultés pour les responsables de la section motocyclettes. Il faut se battre pour survivre. Le nom de Gnome & Rhône est conservé pour les motocyclettes afin de garder la célébrité acquise avant guerre.


Depuis 1941, Gnome & Rhône construit une moto légère de 100 cm3 à 2 temps et boîte 3 vitesses qui vu la situation du Pays, n'est produite qu'en très petite série.
Elle est baptisée Type R. Ce modèle est réalisé en tôle emboutie, éléments boulonnés, pour le cadre et la fourche, cette machine poursuit sa carrière sous l’appélation R1 et R1A version avec amortisseur dans la fourche en lieu et place des anneaux Neiman. La type R évolue en type R2 de 125 cm3.

 


Gnome & Rhône 125 R2



Au salon 1946 Gnome & Rhône Snecma présente un prototype 350 2 temps type WM

 



Coupe moteur 350 WM



Ce nouveau moteur très spécial que présente la maison SNECMA est constituée de deux cylindres jumelés, comprenant en tout quatre pistons, le tout étant développé par Gaston DURAND s'inspirant de ce que réalise PUCH pionnier en la matière.

Malheureusement, il n'y a aucune production en série, tant en version normale que course. L'effort concentré pour rattraper le retard sur la concurrence au niveau des moteurs d'avion et des réacteurs est la cause de cet échec. Il n'y a pas de moyens pour faire évoluer un tel prototype. Le modèle évolue encore, la R3 est présentée au salon 1948 la principale différence c’est le retour au cadre tubulaire.

Le montage des motos est délocalisé momentanément dans les anciennes usines Voisin et comme l’avenir moto dans cette grande entreprise nationalisée est des plus incertains, il est imaginé par les dirigeants de se séparer de ce département. Le sigle des réservoirs arbore le sigle Avions Voisin Gnome & Rhône.
Gabriel Voisin est toujours hardi, il réalise un prototype de voiturette le « Biscooter » qui ne sera pas suivi par la direction Gnome & Rhône, mais qui réalisera sa carrière en Espagne.

L'échec de la 350 W-M est encore tout frais quand Mr POTEZ alors directeur de la SNECMA prend contact en septembre 48 avec un ingénieur célèbre du monde motocycliste : Giuseppe REMONDINI pour étudier la construction d’une nouvelle moto de 500cm3 destinée à l’administration la 500 super star. Dommage cette machine reste à l’état de prototype, il n’y a pas de volonté affichée par les dirigeants de la Snecma pour le département motocyclettes.


 


Gnome & Rhône 500 Super-Star



Le 6 juin 1949, Henri Desbrueres est nommé PDG de la SNECMA ou il reste jusqu’en 1964. Il s’attache à regrouper les activités dans un minimum d’usine, l’aire Voisin est terminée.

C'est en 49, au cours de tous les bouleversements de la société SNECMA/Gnome & Rhône/Voisin, qu'apparaît le modèle R4, directement dérivé du R3. En 1953, le modèle s'améliore encore pour donner naissance au type R4C.

A l’été 1953 une nouvelle machine est présentée, la 175 cm3 type L53, le moteur n’a plus rien à voir avec la série des R3 R4, cette nouvelle moto est équipée d’un superbe bloc moteur à 4 vitesses. La partie cycle n’a malheureusement pas adopté les technologies plus modernes comme le bras oscillant. Plusieurs variantes de la L53 voient le jour dont une version trial qui sera déclinée en 200 cm3 et qui sera adoptée par l’administration militaire.

La L53 se fait aussi remarquer sur les circuits et gagne le bol d’or 1956.

Gnome & Rhône 175 type L53

Reconstitution de la 175 Gnome & Rhône course gagnante du Bol d’or 1956 N°40


Les versions L53 sont déclinées en LC531 machines entièrement carénées pour correspondre à la demande de motos propres de cette époque.

Les versions LX200 civiles et militaires explorent un créneau qui se développe de la machine tout terrain. Enfin une version Grass-Track puis une version moto-ball viennent compléter les nouveaux sports motocyclistes naissants.


Gnome & Rhône LX 200 trial militaire



Plusieurs prototypes intéressants avortent et ne voient jamais le jour chez Gnome & Rhône de l'après guerre.

Afin de multiplier les points de vente Gnome & Rhône crée des sous marques Motavia et Motavit..

Pour étendre la gamme Gnome Rhône aux machines des moyennes et petites cylindrée, il fallut faire appel à d'autres constructeurs, utiliser des véhicules déjà conçus dans les gammes de cyclomoteurs de 50 à 100 cm3.

Un nouveau moteur est développé par le bureau d’étude, il équipera des machines construites en sous-traitance.
FOLLIS constructeur de talent fut choisi pour l'ensemble des autres modèles de cyclomoteurs ainsi que pour les motos Gnome Rhône à bras oscillant tel que les R4D et R4S et des modèles en 125 CC comme les R4F et R4F1.




R4f




Seule la R4X équipée du même moteur sera assemblée à partir de 1957 chez Gnome & Rhône SNECMA, cette machine est un assemblage des stocks de pièces encore disponibles.
La R4X est la dernière des Gnome & Rhône.

 



Gnome & Rhône 125 R4X




La moto va au plus mal en France, tout est fait pour la mettre définitivement au placard.
La branche motocyclette de la SNECMA s'arrête à son tour en 1960.
C'en est fini de d'aventure moto. Le matériel restant sera racheté par YDRAL, qui reprend en même temps le marché militaire concernant les 200 LX. Les pièces seront disponibles pour l'armée durant encore dix ans. YDRAL refabrique même des parties cycles R4X, pour utiliser la quantité de pièces restées dans les dépôts. Ces R4X sont plus particulièrement destinées à la S.N.C.F.

 


Vue du musée Safran à Villaroche



 - De l’arrêt des constructions motos à nos jours

Si la moto est morte à la SNECMA il n'en est rien de la branche aéronautique qui c'est classé aux premières places mondiales de nos jours. Depuis les premiers moteurs des pionniers Gnome, Le Rhône, Gnome & Rhône puis SNECMA n'ont cessés de s'améliorer pour approcher au plus prêt la perfection
Le moteur Jupiter 9 cylindres en étoile sera développe jusqu’a 480 Ch.
En 1930 l'aéronautique mondiale connaît une formidable expansion Gnome & Rhône fabrique de nouveaux moteurs, la fameuse série K (k pour Kellerman). Du 5K cinq cylindres en étoile 240/250 ch. au 14K quatorze cylindres en étoile 635/1100 ch. en passant par le 7K et le 9K les moteurs Gnome & Rhône inondent le marché équipant des avions de toutes nationalités et de toutes marques
En 1936 Gnome & Rhône fait homologuer le 18L un dix-huit cylindres de 150 ch. le plus puissant de l'époque
Depuis 1930 l'entreprise fabrique des hélices bipales et tripales fixes, puis tripales automatiques en 1933 et enfin des hélices tripales à pas variable en 1936.
En 1937 homologation du moteur 14M des 14 cylindres en étoile de 700 ch. pour une masse de 400 kg

En 1946 la SNECMA produit des efforts considérables pour rattraper le retard accumulé durant l'occupation dans le domaine de la propulsion classique. Elle met au point un moteur le 36T prévu pour 4200 ch., le prototype non achevé est abandonné en 1948.
La SNECMA se lance dans l'étude des propulseurs à réaction, le projet ATAR est confié à l'usine Kellerman.
Le 26 mars 1948 a lieu le premier essai sur banc du prototype ATAR il atteint 1680 kg de poussée à 7500 tr/mn.

1952 premier vol du SO 4050"Vautour"équipe de deux ATAR 101 E
Le 29 novembre premier vol du "Mystère 2" de chez Dassault.
Le 13 juillet à Melun-Villaroche début des essais en vol captif de l'ATAR volant à décollage vertical.

1958 le Coléoptère C450 prototype d'intercepteur à décollage vertical et à aile annulaire, succède à l'Atar volant.
Le 17 juin 1959 premier vol du Mirage IV 01 propulsé par deux Atar 9B ce biplace de bombardement stratégique, de vitesse supérieure à mach2 formera l'ossature de la force de dissuasion nucléaire Française.
1962 construction d'une nouvelle usine SNECMA à Evry-Corbeil sur un terrain de 80 hectares, la surface bâtie est de 143000 m2. Dans les années 60 plusieurs accords de fabrication sont signés entre constructeurs de moteurs d'avions SNECMA, Bristol-Siddeley, Pratt et Whitney, Rolls Royse, Turbomeca, Hispano Suiza. Développement des réacteurs Olympus.
En 1968 15300 personnes travaillent au titre de SNECMA le grand projet en cours concerne le Concorde dont le premier vol a lieu à Toulouse le 2 mars 1969.
En 1971 construction du CFM56 dont le premier essai en vol a lieu le 16 février 77. Ce moteur équipe les grands avions de chez Boeing et Airbus
Le 10 mars 78 décollage à Istres du prototype Dassault"mirage 2000"
Le 24 décembre 1979 premier lancement à Kourou de la fusée européenne Ariane L01


Le 31 mai 89 inauguration à Villaroche du Musée SNECMA regroupant moteurs à pistons, avions, motos, tracteurs, automobiles etc...
Le 4 avril 1990 le premier moteur Vulcain N1 sort des ateliers, il équipera le corps central du lanceur Ariane 5
Actuellement les études des vols hypersoniques font leur bonhomme de chemin.
Des essais et prototypes de moteurs à hydrogène sont actuellement à l’essai en collaboration avec Renault pour équiper les voitures des futures générations.

Actuellement la SNECMA est rattachée au groupe SAFRAN

Depuis quelques années un groupe d'amateurs a fondé un club loi 1901 "l'Amicale des motos Gnome et Rhône" dont le but est de faire revivre les motos de toutes époques de cette fabuleuse épopée.
 



Daniel DAVID

 


©Amicale des motos Gnome & Rhône